En ligne le 1er novembre 2020
Painting at the End of the World
présente
The Contact Layer
Helen Baker, Lisa Denyer, Tiago Duarte, Peter Lamb, Robin Megannity, playpaint, Nathan Ritterpusch, Mark Stebbins et Alice Wilson
Le projet Painting at the End of the World (Peindre lors de la fin du monde) cherche à générer un discours critique sur la nature physique du médium de peinture, lorsque ce dernier est en mode mimétique. Le contexte de recherche est double : premièrement, il s’agit de choisir et de discuter de la peinture identifiée soit comme étant post-analogique, macro-straction ou post-internet, via des usages spécifiques de la peinture et une esthétique particulière. Deuxièmement, le travail sélectionné doit être discuté dans le contexte actuel, prenant en compte le système et les réalités omniprésentes du modèle économique dominant : le capitalisme néolibéral.
Les plus récentes tendances en peinture représentent un nouveau tournant mettant l’accent sur la représentation de l’expérience humaine ordinaire, vécue partiellement à travers l’esthétisme des interfaces et des écrans numériques. Durant les cinq dernières années, de plus en plus de peintres ont adhéré à l’esthétique de l’interface du logiciel, comme un moyen de pousser les limites du médium traditionnel. Plusieurs artistes explorent des techniques d’application mimétiques et le processus bureaucratique, afin d’étudier l’interface numérique, ses dégradés doux, ses ombres portées, ses fenêtres et ses éclats. De manière plus significative, ce mimétisme en peinture et la reproduction de ces représentations de l’écran demandent un engagement théorique avec la notion de numérique et, par défaut, avec son code source mathématique, visant à éroder les clichés des œuvres d’art représentatives.
L’objectif global du projet consiste d’abord à choisir des artistes et des œuvres d’art, puis de mener des entrevues et de discuter afin d’explorer les motivations derrière les pratiques individuelles et les prises de décision créatives. Deuxièmement, il s’agit d’intégrer les résultats de ces entretiens dans une analyse textuelle, à la lumière des textes clés de Graw, Rancèire et Baudrillard, afin d’établir un discours crédible et significatif sur la nature de la peinture contemporaine émergente. La troisième étape consiste en l’exposition physique et virtuelle des résultats.
Conservateur: Ian Gonczarow
Studio F5
Out of the blue
Drill Hall
Edinburgh
EH68RG
http://www.paintingattheendoftheworld.com
info@paintingattheendoftheworld.com
Couches de contact (The Contact Layer)
La plupart d’entre nous sommes familiers avec le terme interface. Que ce soit par le biais du téléphone intelligent, d’une tablette, d’un logiciel sur un portable, d’un distributeur automatique ou d’une caisse libre-service, nous sommes quotidiennement appelés à effectuer des transactions au moyen de la technologie. Qu’entendons-nous par transaction? Dans notre système capitaliste, les vingt dernières années d’informatisation de la vie contemporaine ont mené à ce que chacun de nos besoins soit satisfait via une interface graphique. Toutes ces icônes de notre vie de tous les jours, le panier d’achats, le F de Facebook, oui ou non? – représentent les couches de contact entre désir, code mathématique et produit. La fonction discrète que prend la grande collection de signes et de symboles, de boutons, de touches, d’icônes et de menus numériques peut être comparable à la peinture contemporaine. La notion d’interface, telle que décrite jusqu’ici, ou même si l’on parle de l’ionisation de molécules particulières à la frontière de la plus grande interface planétaire – l’océan et l’atmosphère – est aussi présente dans la peinture.
La couche de contact, cet espace entre les objets, ici la peinture et son public, agit en tant qu’espace métaphysique empli de réalités diverses. Ces réalités appartiennent à un public large et varié. Nous savons que nos réalités individuelles sont toutes différentes : nous ne venons pas du même endroit et avons profité de situations de classes économiques à part. La couche de contact, l’espace devant le tableau, ionisant l’air qui caresse les molécules de peinture sur une toile, est l’espace que cette exposition vise à explorer.
Si les circonstances avaient permis à l’exposition d’être présentée physiquement, elle aurait été divisée en trois salles. Ce format a été conservé pour faciliter la lecture de ce texte.
Salle 1 : Fenêtre, objet et surveillance
Mark Stebbins
Lisa Denyer
Alice Wilson
La première interface graphique à avoir été développée dans les années 80 est Windows de Microsoft. Le nouveau système offrait une variété de métaphores qui visait à faciliter la navigation des utilisateurs. Fichiers, dossiers, menus et arborescences étaient les métaphores les plus courantes, bien que j’aurais préféré qu’ils utilisent le terme analogie.
La peinture The Light (2018) de Mark Stebbins représente des gens à travers un filtre les pixellisant, selon la tradition qui consiste à mélanger des couleurs mouillées pour produire un effet d’illusion. Les pixels rappellent l’écran et la technologie de la caméra. En tant que public, nous devons nous réconcilier avec l’idée d’identifier un lieu d’appartenance. Ce que je comprends, c’est que la vidéosurveillance et les caméras numériques voient le monde en 16 degrés de RVB (rouge, vert et bleu). Les premières questions mises de l’avant par la peinture et son esthétique sont : où vas-tu et d’où viens-tu. Le sous-texte, ou l’événement représenté, donne comme information un lieu, une scène et une action. Tu es perché dans un arbre ou sur un lampadaire au bord d’un chemin, près de ce qui semble être un adulte accompagné d’un enfant qui marche et parle. Es-tu une caméra de vidéosurveillance? Pour l’instant, retournons au point de départ de ce texte. En général, l’interface graphique nous sert à interagir avec la technologie afin de faire une acquisition. La consommation a transcendé la métaphore de stockage originale de Microsoft pour procurer une multitude de manières de dépenser de l’argent, de se faire des amis, d’explorer, etc. Certaines des connexions analogues entre la peinture sur toile et la fonction d’une interface graphique sont relativement simples. Ce qui importe pour un peintre, c’est l’espace qui existe entre la réalisation de la peinture et la manière dont son code est transmis. Pour l’expliquer autrement, regarder une peinture active la commande d’un événement. L’événement est la peinture, fournissant plus d’information seconde après seconde. Notre propre réalité est mise à l’avant de la peinture et nous permet de l’apprécier. Notre propre perception de la vie nous permet de caresser, toucher et ressentir la surface. La question devient : comment ces deux choses cohabitent-elles?
Alice Wilson a récemment réalisé l’œuvre Haus (2020) dans le paysage. Cette œuvre s’oppose probablement directement à l’orthodoxie de la peinture. Elle m’interpelle, car j’y vois un portail ou une fenêtre. Le portail web et la fenêtre vers l’espace de travail sont deux métaphores utilisées dans la réalité numérique. Ceci me mène à parler de programmation orientée objet (POO). La programmation orientée objet permet à l’utilisateur d’interagir directement avec les objets métaphoriques. Par exemple, dans un logiciel de dessin, les lignes, couleurs et formes peuvent être altérées. Les signes indiciaires tels que le pli, la distorsion, l’effacement, etc. peuvent recouvrir d’autres objets. Si l’exposition avait eu lieu, l’œuvre de Wilson aurait probablement été installée au milieu de l’espace. Et si vous aviez été dans le même espace que Haus, vous auriez sans doute pu performer les fonctions de POO, vous déplacer autour de l’œuvre, et cadrer et recadrer différentes scènes dans l’espace d’exposition. Il aurait été possible de faire tourner le contenu de l’œuvre à 360 degrés. Les pensées extrinsèques et intrinsèques auraient-elles conséquemment été précisées par l’interface ? L’objet se serait arrêté et le contexte aurait-il poursuivi sa lancée ? Le châssis de la toile vide, ou le dispositif pour cadrer l’œuvre offre une variété de signes indiciaires pour l’utilisateur. La valeur de l’usage fait partie du sous-texte continu de ce texte, en termes de pensée autour de la notion de désir. La différence métaphysique entre une interface graphique ou la POO et la peinture en termes de désir n’a pas encore été complètement discutée. Avec Haus, le désir correspond possiblement à celui de se fondre physiquement.
Lisa Denyer est représentée par la peinture Snap (2017). Tout comme dans le travail de Baker, on retrouve dans ces œuvres peintes en couches épaisses l’indice du passage du temps et la superposition. Sur le plan du désir, ces œuvres sont petites et emploient des couleurs néon. Elles appellent à être consommées. Impossible de passer à côté de leur exotisme et de leur sens artistique. En termes de métaphore, si l’habileté à peindre est comparée à notre compréhension intuitive du zoom qui se fait grâce à deux doigts sur un écran tactile, cette peinture garde tout pour elle. Les mathématiques qui illuminent notre écran sont elles aussi dissimulées. Le code qui permet de taper la touche S sur le clavier et de voir à l’écran la lettre s’afficher au bon endroit et à la bonne taille, est complexe. Le code et les mathématiques sont la structure invisible cachée derrière toute notre technologie numérique. Ceux d’entre nous qui ont des connaissances du langage CSS, comprennent que pour obtenir du rose brillant, il faut employer le code #FF007F. Un langage qui ne dit rien à la plupart d’entre nous. Toutefois, nous pourrions dire que le langage codé utilisé en CSS est une forme d’abstraction inversée. Si nous pensons à l’abstraction sous forme de CSS, nous pouvons imaginer la connexion entre la commande d’un code invisible et son résultat à l’écran, puis à l’intention d’un artiste et au résultat sur la toile. Cette analogie est peut-être facile : parlons donc de la notion d’association abstraite. Au milieu du siècle dernier, des psychologues comme Rorschach ont développé des tests visuels pour déterminer la santé mentale et le bien-être des patients. Ce qu’un patient voyait dans une tache d’encre pouvait révéler des traumas passés ou des prédispositions. Jusqu’ici, nous avons parlé de réalités individuelles ; une prédisposition est peut-être une manière désuète de dire la même chose. Lorsque le public est confronté à une peinture à la matérialité brute, la majorité fera une association avec des éléments extrinsèques. Les associations abstraites se feront un peu de la même manière que dans une application. Sur un iPhone, l’app. contrôle un code invisible pour suggérer Deliveroo, Pornhub et Facebook. L’association abstraite de l’app suggérera un visage dans un nuage ou le portrait de Jésus dans une tranche de pain. La peinture de Denyer est capable d’être activée au moment où des associations sont faites avec des événements externes ou provenant de la réalité du public. On pourrait ici dire que l’événement extrinsèque est rappelé à la mémoire par un code caché dans la peinture.
Salle 2 : L’histoire en tant qu’interface graphique, l’interface graphique en tant que peinture
Nathan Ritterpusch
Helen Baker
Robin Megannity
Les trois peintres de cette salle partagent un discours commun, un engagement qui mêle soit le désir, soit le dédain de l’historicité.
Robin Megannity est représentée par la peinture Gossip (2019) qui invite à poser des réflexions poussées sur le désir, via ce qui pourrait être décrit comme l’interface d’une version incertaine de l’histoire. L’histoire est une commodité, une banque de connaissance qui nous permet de négocier avec le présent. L’historicité, les points de l’histoire qui peuvent être attestés par des faits, peut facilement être altérée et rayée. En regardant les nouvelles aujourd’hui, nous tombons continuellement avec la corruption de l’historicité, via les actions des gouvernements et de ses leaders. Dans le travail de Megannity est démontrée cette notion selon laquelle l’histoire peut être une commodité instable. Les faits historiques nous informent sur le passé, mais selon un certain point de vue. Nous n’étions pas présents lorsque l’Égypte, la Perse et l’Empire romain contrôlaient une grande partie de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Comme nous étions absents, nous devons traiter les faits de cette période comme de grands signes indiciaires. La peinture est elle aussi une série de signes indiciaires, au sens où nous ne voyons pas sa réalisation, mais qu’à cause de nos connaissances préalables, nous comprenons quelles actions la constituent. Chaque coup de pinceau est un signe indiciaire de l’artiste qui applique de la peinture sur la surface. Nous n’avons pas vu l’artiste en l’action, mais par le type de coups de pinceau, nous comprenons comment ces derniers ont été peints, et certains détails comme la vitesse, la stabilité, la grosseur du pinceau, etc. Pour être engagés avec la peinture de Megannity, nous devons donc explorer plusieurs types ou formes d’indices. L’implication téléologique de notre regard nous porte à décoder et à retenir certaines informations. Dans Gossip, le Telos représente peut-être notre habileté à reconnaître la remise en question d’une vérité dans un objet significatif de l’histoire par l’illusion peinte d’une surface réflective emballant un objet dans une couche incertaine et informe. Il se crée indéniablement un écart entre notre compréhension de l’histoire et ce à quoi la peinture fait référence. En d’autres termes, l’interface graphique peut attiser notre désir d’un sens du temps, de reconnaissance d’un événement et d’un lieu, mais lorsque le contact se fait, le désir est renversé par le code indiciaire du peintre. Le telos de notre regard sur l’histoire correspond à notre compréhension que cette dernière est en grande partie une fiction.
Helen Baker réalise des peintures qui s’immiscent parfois discrètement dans l’espace du spectateur. Généralement, c’est via le verre lisse d’un écran tactile que nous pouvons entrer physiquement en contact avec une interface graphique numérique. Cette dernière est plate, légèrement éclairée, et contient des pixels électriques vibrants. L’histoire et l’historicité viennent sous plusieurs formes, que ce soit sous les marques ou les ruines d’un paysage, les écrits ou les paroles, ou des objets significatifs. Pour ce qui est de nos rencontres avec le domaine numérique, nous savons que l’histoire tombe dans une multitude de catégories : comment le Titanic a-t-il coulé, qui fait partie de notre arbre généalogique, et pourquoi les années 70 étaient-elles des années de chute et de déclin vingt ans après la Deuxième Guerre mondiale ? L’histoire proposée par l’interface graphique suit le parcours de nos désirs en matière de connaissance et s’accorde à nos besoins individuels. Ce parcours a lieu dans la couche de contact entre l’individu et l’information. Les surfaces plates des peintures de Baker sont transformées par l’ajout de sections en coin et d’appendices aux allures d’étagère, en plus des grumeaux et des bosses créées par les marques peintes et surpeintes. Les signes indiciaires sont évidents. Certaines marques sont peintes au-dessus des autres et prennent une direction différente. On peut comprendre le processus de peinture; cette dernière n’a pas été sablée, et les traces d’activité sous la surface ont été conservées. Lorsque Baker décide de repeindre une surface, elle choisit que ses actions soient visibles afin que le spectateur puisse être engagé avec les signes. Des sections sont ajoutées pour permettre à la peinture de voyager sur les côtés ou au dos de l’œuvre. La « surpeinture » nous pousse à considérer la notion de temps : le temps dépensé et les prises de décision concernant le choix de s’arrêter ou de continuer. L’histoire d’un désir de changement fait physiquement partie de l’œuvre, et peut être lue comme un signe indiciaire sur la peinture. L’historicité de la peinture est intacte.
Nathan Ritterpusch est représenté par Most of me is All I Have to Give (2020). Ici, nous sommes immédiatement engagés avec quatre couches de contact historique : la description du travail par le titre, le style de peinture, la technique d’application et bien sûr, le sujet. Une contradiction existe entre le sujet de Pinocchio et la rhétorique relative du garçon de bois, versus le signe indiciaire d’un effacement numérique de l’image via ce qui semble être une gomme à effacer sur Photoshop. Alors que je me rappelle de l’histoire de Pinocchio, et que je renvoie cette connaissance à la peinture, un code qui prend la forme d’une association est activé et revient vers moi, suggérant que quelque chose manque. Une partie de l’histoire est absente. L’artiste bloque et dissimule l’histoire que l’on désire reconnaître. Un lien manque et mon regard est perturbé. Une tension est générée par mon refus des écarts stylistiques dans la représentation de Pinocchio, par l’ajout de la représentation d’un outil numérique, qui pourrait être l’image à l’écran sur l’interface de Photoshop. L’historicité est déstabilisée par la superposition d’interventions contemporaines.
Salle 3 : Processus, protocole
playpaint
Tiago Duarte
Peter Lamb
Parmi les récents courants en peinture, les modes post-analogues et post-internet sont les acteurs d’un nouveau tournant concentré sur la représentation de notre expérience humaine commune, vécue partiellement à travers l’esthétique de l’interface et de l’écran numérique. Dans les cinq dernières années, de plus en plus d’artistes ont choisi l’esthétisme de l’interface du logiciel comme moyen d’aller plus loin en peinture. Plusieurs artistes explorent les techniques complexes de mimétisme pour faire valoir l’interface numérique, ses dégradés doux, ses ombres portées, ses fenêtres et ses éclats. De manière plus significative, la mimétique en peinture et la reproduction de ces représentations à l’écran demandent de s’engager avec le code mathématique source des apps et des fenêtres afin de réduire les possibilités de clichés dans les œuvres d’art représentatives. Un code cassé ou une erreur de transfert est décrit comme un bogue ou un « glitch ». Un bogue ou une défaillance affecte l’image diversement, mais en général, le résultat est la répétition de sections horizontales pixélisées, les unes au-dessus des autres, avec des sections complètement noires où toute image discernable est perdue.
Peter Lamb réalise de grandes peintures numériques sur des toiles synthétiques. Impressionnantes à cause de leur taille et de leurs couleurs vives, ces œuvres présentent un type d’interface différent. Des associations avec l’abstraction et la découverte de signes indiciaires prennent place simultanément avec la source d’origine, la rhétorique du logiciel et l’imprimante. Avant ce résultat, Lamb a employé le logiciel avec une interface orientée objet pour manipuler une série d’images, les pousser, les tirer, les recadrer et les recouvrir. Nous pourrions dire que ce qui nous attire dans la peinture de Lamb est un moment figé dans le mouvement du code de l’image et de ses données provenant d’une source virtuelle. Tout comme la peinture se positionne sur une toile et se met à sécher, les images de Lamb se positionnent à deux reprises ; d’abord en tant que données sauvegardées dans un document, puis en tant que fluide pigmenté sur polyester. Il y a une certaine dose de confiance qui est impliquée, le souhait que l’imprimante rende une impression précise, et celui que l’encre déposée par l’imprimante ne se déplace pas. Des bogues arrivent à coups sûrs dans le transfert d’encre sur le polyester à partir des données informatiques, mais à un niveau si micro qu’ils sont à peine perceptibles. Lamb réalise un collage de ce qui pourrait être une salle à l’intérieur d’une salle ou un monde dans un monde. La peinture méta, la peinture à propos de la peinture, est ce qui constitue The Same Animal Form (2020) dans une esthétique enveloppante, nourrissant notre connaissance de la représentation des espaces en trois dimensions, mais la rendant confuse.
D’une manière similaire, Tiago Duarte utilise un logiciel pour construire ses œuvres. Ici, le résultat est un document papier de format A4, intitulé On Caves and Moons (2018). Pensant à nouveau à l’idée du désir, et à l’échange qui se produit entre l’individu et l’œuvre, nous avons couvert plusieurs formes d’interprétations. Derrière chaque exposition que j’ai réalisée, je suis motivé à présenter un travail qui m’enthousiasme, mais aussi à l’accompagner de textes et à parfaire l’éducation sur la manière de regarder l’art. En tant qu’enseignant en peinture durant plusieurs années, j’ai souvent été surpris par la lecture ou la non-lecture des œuvres. Pour le grand public, l’art est l’expression de la réalité individuelle et est rarement didactique, puisque la transmission de l’information se fait par un langage codé parfait. Ceci étant dit, nous devons continuer d’être engagés avec ce que nous savons. La peinture comme interface ou interface graphique, offre une façon d’établir des connexions ou de faire des analogies avec d’autres formes de désir facilitant la communication. Que vous croyez ou non que l’art habilite le désir n’est pas pertinent. La clé du travail de Duarte et de Lamb, est d’abord le désir de produire une image avec un logiciel, mais principalement, c’est le moment de transition entre le virtuel et le physique qui se fait via une machine pulvérisant de fines gouttelettes d’encre. Il y a possiblement ici deux couches de contact.
Dans le travail de playpaint, les techniques d’application sont la clé. Ses peintures de taille moyenne offrent une pléthore de techniques : notamment le spray, le découpage, le collage, le transfert, le masquage et le pochoir. Le vocabulaire de fabrication est une grande partie de la transmission d’informations. Les peintures ont une allure techno et numérique et leur construction suit une série et séquence d’événements et d’instructions attentivement planifiées. Les protocoles et les commandes sont des fonctions analogues. Ce qui est intéressant, c’est que dans cette salle, la matérialisation d’une peinture ou d’une impression provient d’une préoccupation différente, puisqu’ici, pour matérialiser le travail, il faut suivre une série de règles et une programmation dirigée. Pour matérialiser son travail, playpaint suit et répète les étapes d’une procédure d’application. La commande de répétition est peut-être le mécanisme qui produit ce qu’on pourrait décrire comme une peinture « glitch ». Nous savons toutefois que le glitch est causé par une erreur de commande d’un code, et que pour playpaint, le processus de répétition est voulu.
En conclusion, à partir des formes de couches de contact discutées dans ce texte, c’est avec notre propre réalité basée sur notre histoire individuelle que nous « touchons » à la peinture. Nous prenons contact avec la peinture à travers nos connaissances et notre expérience, non seulement de la peinture, mais à partir de tout notre vécu. Nos propres réalités tiennent telles des particules ionisées à l’endroit où l’air rencontre la mer, dans un espace métaphysique entre la peinture et nous. La couche de contact est en vie grâce à nos pensées et à nos désirs, et elle est générée par la peinture en tant qu’interface utilisateur.